Un atelier cuisine, pour quoi faire ?

Un atelier dans le cadre de l'ALESA, l'association des lycéens, étudiants, stagiaires et apprentis du lycée agricole de Roanne Chervé

Il y a peu d’actes collectifs qui engagent autant les individus qu’un acte culinaire partagé; toutes les dimensions s’y retrouvent : appétit, apprentissage, transmission entre générations, jeux, paroles, maîtrise du temps, décalages culturels, dons et contre-dons, paroles et reconnaissance …

Un atelier cuisine : une histoire de liens ?

Un atelier cuisine au sein d’un lycée, qui plus est agricole, c’est peut être et avant tout un espace-temps ou le concept de Reliance (1) prend tout son sens (la nourriture étant en elle-même un élément nécessaire de « mise en lien » communautaire).

 

Mouvements et échanges de mots, de savoir-faire, de goûts, d’expériences culinaires, un atelier cuisine comme celui du lycée agricole de Roanne-Chervé tourne donc autour d’un axe central : la préparation d’un repas complet sous la forme de mini-ateliers (un pour chaque plat). Pas de gastronomie savante. Les connaissances sont accessibles et partagées, les mets aussi.

 

(1) : Reliance : Le concept a été proposé à l’origine par Roger Clausse (en 1963) pour indiquer un « besoin psychosocial (d’information) : de reliance par rapport à l’isolement ». Il fut repris et réélaboré à la fin des années 1970 par Marcel Bolle De Bal, à partir d’une sociologie des médias. À la notion de connexions, la reliance va ajouter le sens, la finalité, l’insertion dans un système.

Un atelier cuisine : une histoire de représentation ?

Un travail préalable sur les représentations de chacun, autour de la nourriture et des pratiques culinaires, permet de mettre à plat vécus, pré-notions, souhaits concernant les recettes à travailler, à détourner, à associer et souvent à réinventer pour remettre au goût du jour des mets ou tout simplement tenir compte des allergies les plus fréquentes.

 

Le dialogue entre les participants s’instaure alors, un début de complicité, l’émergence d’une gourmandise multiforme et surprenante.

Un atelier cuisine : une histoire de recettes ?

Le choix des recettes repose sur un échange entre celles de l’enseignante – animatrice et les participants. Il y a toujours une phase de lecture de la recette à voix haute, une sorte de « mise en bouche » de son devenir, une « suprême mandication », « entendre, c’est manger » pour reprendre le philosophe Marcel Jousse.

(Voir son ouvrage, La manducation de  la parole – Anthropologie du geste – Marcel Jousse, Editions Gallimard, voies ouvertes).

Le lien avec la nature et les impératifs écologiques

Cela tient lieu de garde-fou et de ligne de conduite avec le tri et les achats réalisés pour moitié en grande surface et pour l’autre moitié auprès de petits producteurs.

 

Les préparations collectives qui suivront, deviendront des temps durant lesquels les liens entre corps et alimentation se réunissent dans le partage, souvent d’ailleurs en musique et en chansons.

 

On y parle plaisir, équilibre alimentaire (souvent bousculé par une dépense excessive de calories compensée la séance suivante), métissage des saveurs, simplicité et fraîcheur des produits le plus souvent locaux.

L’aliment

Il est choisi pour son goût mais aussi pour les valeurs qu’il véhicule (symbolique et nutritive). La pomme de terre rallie tous les suffrages, c’est l’aliment convivial et rassembleur par excellence. L’attachement à la terre de nos cuisiniers passe en grande partie par ce tubercule « vénéré »  de tous (la tartiflette étant selon eux sa concrétisation la plus aboutie suivi de très près par le parmentier de canard).

Entre tradition et modernité

On évoque la tradition (recettes de grands-mères transmises aux petits-enfants) et la modernité. Ainsi en 2020, on prépare « Le poulet au curry vert Thaï au lait de coco », ou « Le soufflé de potimarron en coque ».

 

Les cultures se mêlent, deux recettes se conjuguent, des techniques ancestrales et des nouveaux savoir-faire s’enrichissent et aboutissent parfois à l’achat de nouveaux ustensiles.

La commensalité

[qualité de commensal ; le fait d’être le compagnon de table de quelqu’un]

 

C’est sans doute le second mot référence de cet atelier et peut-être de tout atelier cuisine, quel qu’il soit.

 

En effet, l’enseignant s’incarne ici d’abord et avant tout dans la posture d’ un animateur au sens originel du terme. Il instaure des rapports basés sur la confiance et l’équité, ce qui n’exclut en rien le respect des règles et des cadres structurants (vaisselle faite au fur et à mesure et par atelier, attention et soin du matériel, hygiène et rendu irréprochable des locaux et des ustensiles pour les cours de cuisine des classes concernées).

 

Ces moments particuliers se situent hors des habitudes, des rôles et des statuts habituels. Ils constituent des échappatoires dans une semaine de contraintes puisqu’on coopère, joue et cultive un « vivre-ensemble » qui construit et détend.

La place du corps

Le corps est omniprésent et nous montre que l’alimentation et la cuisine nous renvoient à notre psychologie et implémente ce que nous sommes physiquement.

 

L’apprenant volontaire, habitué ou pas, vient découvrir certains gestes, tours de main auprès d’amis ou de personnes qu’il a souvent à peine aperçus au sein du lycée. Une sorte de démocratie s’installe, une micro-société au sein de laquelle on éprouve des sensations agréables, mais aussi surprenantes, voire déplaisantes parfois.

L’Ecoute

L’écoute prime, les consignes et rappels à l’ordre de l’enseignante-animatrice et les remarques des camarades doivent être prises en compte.

 

La pérennité de ce club Cuisine (10 ans) tiendrait donc à une connivence profonde qui s’installe entre les membres qui ne se connaissent pas ou à peine et qui au fil du temps, manipulent, inventent, comprennent, « bricolent » (dans le sens de tous et de celui de Lévy Strauss), échangent des goûts et des odeurs, projettent et réalisent ensemble, des constructions éphémères et jouissives.

L’année 2021 pour l’atelier cuisine

L’année 2021 sera celle de produits presque tous bio et locaux et de la parution d’un livre sur les producteurs restaurateurs et les produits Bio du Roannais réalisés par l’association « Vivre bio en Roannais » et illustré par la photographe Véronique Popinet.

 

Il est très attendu par les anciens et nouveaux participants de l’atelier cuisine du lycée agricole de Roanne  Chervé !

Fiche technique : un repas complet

– Lieu : la cuisine pédagogique qui comporte dix postes de travail et le matériel adéquat. Elle est utilisée en fin de journée (en dehors des créneaux des cours de cuisine réalisés en journée par les enseignants d’Economie Familiale et Sociale)

 

– Les inscriptions ; 12 élèves inscrits maximum, la sélection se fait sur la fidélité et les propositions de recettes.

 

– Les problèmes rencontrés :

* une participation en dents de scie qu’il faut réguler

* des difficultés à gérer les stocks et les quantités.

* des difficultés à maintenir les tours de vaisselle

* une trop grande familiarité peut survenir, à réguler très vite

 

les objectifs : cuisiner ensemble, acquérir de nouvelles techniques et savoir-faire culinaires, et des goûts issus d’autres sphères culturelles.

 

Capacités : développer la motricité fine, le sens du collectif, de l’entraide, la créativité.

 

Choix des menus, achat des comestibles ; moitié en grande surface en Bio et chez les producteurs. Les recettes sont choisies tour à tour par les participants et l’enseignante –animatrice.

 

les moments fondamentaux :

  • la préparation parallèle en petits groupes dans le même espace
  • le repas et le partage : un responsable par atelier servira les autres, on prévoit un ordre dans la préparation des plats qui correspondra à celui du service et de l’ordre logique des plats.
  • On mange ensemble et on dessert ensemble.
  • Vaisselle, remise en ordre et nettoyage par atelier.

 

L’enseignante – animatrice occupe un rôle central, elle cadre et régule mais en lien constant avec les participants. La bienveillance et l’humour sont au cœur du processus. Les partages de connaissances se mêlent aux conversations plus personnelles et aux échanges amicaux.

 

Au lycée agricole de Roanne-Chervé, l’enseignante-animatrice du club est la professeure que les participants ont parfois en cours, souvent un substitut de la mère, la référente, celle qui aime et fait goûter, celle qui limite et fait reproche, entre gourmandise et gourmander.


Partenaires et soutiens financiers

Le Lycée agricole de Roanne Chervé, l’ALESA du Lycée agricole qui finance l’atelier.

 

+ d’infos

Pascale Beaux Dupéchaud, enseignante en Education Socioculturelle, lycée agricole de Roanne Chervé, pascale.beaux@educagri.fr