Louvamox : l’enquête

Avec les élèves de bac technologique Sciences et technologies de l’Agronomie et du vivant du lycée agricole de Courcelles-Chaussy (Metz)

Dans le cadre d’un atelier de pratique sociale et culturelle « Audiovisuel et éducation aux médias », des élèves du lycée agricole de Courcelles-Chaussy ont réalisé un (faux) documentaire, L’Enquête Loumavox, et l’ont regardé vivre sa vie d’objet médiatique

Le film

Dans une grange de Moselle, en plein confinement Covid, une élève du lycée agricole de Courcelles-Chaussy découvre une valise contenant un vieux synthétiseur et des documents d’archives.

Avec sa classe, et l’aide d’intervenants partenaires du projet, elle va mener l’enquête et découvrir peu à peu que cet instrument exceptionnel est aussi l’œuvre d’une vie, celle de Louise Vokzinski et de son frère Marc, musiciens et créateurs de cette machine à la fin des années 60.

Cela sera confirmé par des « spécialistes » dont Jean-Michel Jarre, un des témoins privilégiés du film.

 

L’Enquête Loumavox est un hommage aux pionniers de la musique électronique et à la contribution des femmes dans ce domaine, doublé d’un travail de recherche et de création sur la représentation du « vrai » à l’écran et de sa réception.

Un projet pédagogique multiple

D’emblée, c’est-à-dire dès la rédaction du projet et après réflexion avec les élèves et Thierry Bellia (Journaliste Reporter d’Images et réalisateur impliqué au titre d’intervenant culturel), il était convenu que l’expérience de pratique audiovisuelle et d’éducation aux médias induite par cet atelier envisagerait et endosserait plusieurs formes et objectifs :

 

  • entre le « voir » (des observations et des analyses),
  • le « dire » (le débat, l’échange et la réflexion)
  • et le « faire » (la pratique, la modélisation).

Une mise en scène du réel

D’abord intitulé Documenteur en résonance avec le travail d’Agnès Varda ou Peter Watkins (oscar du documentaire en 1966 pour The War Game, un film de « fiction »), le projet initial proposait déjà concrètement :

 

  • une éducation à l’image qui partirait de l’analyse filmique pour aborder la dimension virale de « mises en scène » du réel dans le cadre du flux des images informationnelles et des réseaux de diffusion immédiate (cinéma de fiction, documentaire, reportage, journal télévisé, web-série, documents bruts, amateurs, télé-réalité).
  • de réaliser ensuite une enquête documentée et protéiforme sur un groupe/artiste local qui n’existe pas, qui aurait mystérieusement disparu ou d’un inventeur (d’un instrument de musique ou d’un procédé sonore révolutionnaire) rappelé à notre bon souvenir par l’image testimoniale.
  • de diffuser le plus directement et valoriser le film avant d’étudier sa réception.

 

Ces vœux pieux ont été réalisés et le cahier des charges largement respecté. Mais nous n’avions pas envisagé à ce moment-là, que le réel viral nous rattraperait et que la vie entrerait à ce point dans le film.

 

Nous l’avons laissé faire et avons essayé d’en profiter à toutes les étapes qui ont évolué au gré des (dé)confinements.

En amont de la réalisation, une formation au sujet du projet

De la Sortie des usines Lumière, en passant par Nanouk l’esquimau de Robert Flaherty, Terre sans pain de Luis Buñuel, Les documents interdits de Jean-Teddy Filippe jusqu’à Spinal Tap de Rob Reiner ou Forgotten Silver de Peter Jackson, nous avons travaillé sur les frontières ténues entre information, documentaire, fiction, reportage, mockumentaire, pour les étendre aux formes journalistiques et aux sources pré-citées.

 

Mais en plein milieu de la polémique autour de la vidéo Hold up, les élèves ont été doublement amenés à réfléchir et échanger autour du vrai, du faux, de la circulation d’informations les plus fantasques et complotistes et des perspectives d’un monde d’après.

 

En outre, il a été décidé assez rapidement que le personnage principal de ce film devait être non seulement local mais également une jeune femme.

 

Au-delà des heures attribuées à l’atelier, l’enseignant d’éducation socioculturelle, initiateur du projet, a prolongé le travail dans le cadre de ses plages de cours, en présentiel et en visioconférence.

Réalisation (avec partenaires)

Dans le contexte sanitaire, le tournage du film a été reporté à deux reprises. Pour s’adapter aux gestes barrières, il était impossible aux élèves de tenir les postes techniques initialement envisagés.

 

Thierry Bellia a fait appel à un ingénieur du son pour nous accompagner, Christian Lamalle. Et il s’est avéré que ce dernier était également inventeur/amateur de synthétiseur : il a donc littéralement matérialisé une partie rêvée de notre film en créant le prototype de Loumavox.

De vrais ingrédients pour une vraie/fausse recette

Dans la forme finale du film, on retrouve les principaux ingrédients classiques de l’enquête : voix off, recours à la parole de spécialiste, scientifique (enseignant en musique électroacoustique), témoignages, recherches, avancées et découvertes, mais également la figure d’autorité ou médiatique, incarnée par Jean-Michel Jarre.

 

Ce dernier, sollicité après le premier confinement, a accepté avec enthousiasme de participer au projet au titre qu’il régénérait l’histoire de la musique électronique dans ce contexte de morosité ambiante.

Même si, dès l’écriture du film, nous souhaitions qu’il contienne quelques clés de lecture et de fabrication comme autant d’étapes et de dispositifs de construction du réel, nous avons intégré une forme de mise en abyme (les élèves du making-of intégrés dans le récit) et décidé de monter des scènes de recherche en visioconférence zoom.

 

Le virus a donc accentué les indices et « preuves du réel ».

Diffusion

Bien que soumis à une temporalité contrariée et dilatée, le projet a été finalisé avec un calendrier restreint et orienté (la période de noël) qui s’est décliné comme suit :

 

  • Création d’une chaine Youtube (mise en ligne le 15 décembre 2021) ainsi que d’une page Facebook et de comptes Instagram et Twitter dédiés.
  • Mailing ciblé à quelques influenceurs, journalistes ou promoteurs culturels.
  • Pendant les vacances de Noël, veille informative et modération : observation des réactions, commentaires. Choix collectif de ne répondre à aucun commentaire ou sollicitation.
  • Publication le 30 décembre 21 d’une seconde vidéo, Révélations, réalisée à partir de témoignages pré-enregistrés des différents protagonistes (en fin de la seconde période de tournage et en visioconférence) ou actualisés après la diffusion du film.

 

Cette dernière étape nous a permis de recueillir une nouvelle matière informative étudiée actuellement avec les classes suivantes. Le projet a donc formé deux promotions de bac technologique !

Le projet : un observatoire des médias (sociaux)

Avant la diffusion du film, la requête « Loumavox » sur google restait vierge.

 

Dès la mise en ligne du film sur YouTube, les élèves ont pu mesurer l’impact de leur travail : la presse locale et une multitude de sites spécialisés ont repris l’information.

 

Les commentaires ont afflué. Après 15 jours de diffusion et plus de 30 000 vues, une matière d’étude s’est donc dégagée.

 

De nombreuses questions et polémiques ont été soulevées par les internautes, avec un ton général : Incroyable découverte ? Fiction ? Documentaire ? Fake News ? Publicité pour le lancement d’un nouveau synthétiseur par une société industrielle (allemande) ou par Jean-Michel Jarre lui-même en promoteur de sa nouvelle marque ? Ou tout simplement… réalisation d’atelier pédagogique rondement mené ?

 

A l’arrivée, un film (accompagné par une « séquelle » intitulée Révélations) existe.

 

Globalement accueilli avec enthousiasme et bienveillance, car il n’agite pas un sujet particulièrement sensible, il s’apparente à une forme de prototype comme l’objet même de son enquête et sa présence.

La suite..

Et l’histoire n’est pas finie : le film va être diffusé un peu partout et concourir pour le prix Education aux Médias et l’Information des assises du journalisme.

 


En savoir +

 

 Partenaires et soutiens financiers

 Projet fédérateur DRAC/DRAAF Grand Est

 

+ d’infos

 Franck Dupont,  Enseignant d’Éducation Socioculturelle, Lycée Hervé Bichat, Courcelles-Chaussy, franck.dupont@educagri.fr